Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/130

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— Puisque vous avez cette bonté, pria le docteur, j’insiste pour Élisabeth Hunault… Vous l’avez sans doute oubliée… Elle est très intéressante… C’est la fille d’un de vos meilleurs serviteurs, monsieur le marquis… Et si vous voyiez la détresse de cette maison ?… Chaque fois que j’y vais, j’en ai le cœur tout retourné…

— Bien, bien… certainement… plus tard… Je m’occuperai d’elle…

Et avec un sourire où je vis grimacer une affreuse ironie, il ajouta, non sans une emphase qui me parut, dans sa bouche, d’un comique funèbre et cruel :

— La charité chrétienne m’ordonne de soulager, d’abord, mes ennemis… n’est-ce pas, l’abbé ?

Le curé répondit :

— Voilà, monsieur, un sentiment admirable, et qui vous honore… Les Saints Évangiles…

Mais le marquis coupa court à cette effusion, et se tournant vers le docteur :

— J’enverrai demain, dans l’après-midi, l’omnibus du château… Tu y installeras ces quatre malades que j’ai choisis… Allons, es-tu content ?

M. Lerond paraissait très triste… Il remercia dignement, brièvement. Le curé, au comble de l’enthousiasme, s’extasia :

— Et quel effet, dans le pays, quand on les verra s’en aller dans l’omnibus de monsieur le marquis, à l’hospice de Sonneville !… Surtout