Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/125

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cabinet qui lui servait aussi de salon… un cabinet très sale, encombré de toutes sortes de choses, surtout de fioles, de pots, car il tenait, en même temps, la pharmacie. Un spéculum bossué traînait sur une pile de journaux pieux… sur le bureau, parmi des papiers, des clés dentaires, des bistouris ébréchés, un forceps dont les cuillers rouillées sortaient de son enveloppe de serge noire… dans un coin, par terre, une cuvette où se voyaient encore de menues rigoles de sang séché… Aussitôt prévenu de l’arrivée du marquis, le curé vint nous rejoindre… Il fit une entrée bruyante : un petit bonhomme rondelet, assez propre, très rouge de figure, avec des yeux allumés, pétillants, d’aspect jovial et farceur… Nous nous assîmes autour du guéridon sur lequel le docteur apporta un énorme bocal plein de merises à l’eau-de-vie qu’il nous servit dans de longs verres tubulés.

Il excusa sa femme partie avec les enfants chez les grands-parents… Puis il dit :

— Je ne sais pas de bonnes nouvelles, monsieur le marquis… Ici, tout va de mal en pire… L’impiété y fait des progrès rapides… on chante maintenant la Marseillaise dans les cafés… et, croiriez-vous que, la semaine dernière, nous avons eu un enterrement civil ?… À Monteville !

— Ma foi, oui ! Hippolyte Grostout… ce damné ivrogne !… on le pensait bien… expliqua