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marcher dans sa chambre… traverser le couloir, d’un pas que ses bottes rendaient plus pesant… et, bientôt, au dehors, des chevaux piaffèrent, galopèrent, s’éloignèrent.

J’avais attaqué avec ardeur les tas de paperasses… Comme le marquis me l’avait annoncé, il y avait un peu de tout, et quelques-unes remontaient à plusieurs années : lettres banales d’amis et de parents, lettres d’affaires, — d’affaires de toute sorte, en effet ; nombreux documents relatifs au comice agricole, aux diverses sociétés de culture et d’élevage de la région… mémoires de fournisseurs… réclamations et sollicitations de tout genre… dénonciations violentes contre les instituteurs et les fonctionnaires du canton… plaintes contre M. Joseph Lerible… toute la pouillerie des petits intérêts, des petites dissensions, des petites misères de la vie campagnarde… Je trouvai quelques billets intimes et gaillards du prince de Galles, quelques télégrammes affectueux du maréchal, entre des propositions d’usuriers, des consultations de notaires, des états de liquidations chez des agents de change et des coulissiers… des relevés de sommes prêtées par des croupiers, des bijoutiers, des bookmakers… C’étaient aussi, parmi des remerciements de curés et des prières de bonnes sœurs, des invitations à inaugurer des tripots clandestins, des maisons de rendez-vous galants, des chapelles, des œuvres catholiques de bien-