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redoutable… Oui… mais enfin, qu’est-ce qui dominait en cet homme ?… Où était placé le point mort en cet homme ?… Au seul point de vue de mes relations avec lui — et c’est par là qu’il m’intéressait de le savoir,  — que devais-je espérer ou craindre de cet homme ?… Je n’en avais aucune idée…

Une chose, maintenant, me surprenait par-dessus toutes les autres, et me surprenait prodigieusement… et je me torturais l’esprit à en trouver une explication raisonnable… Je ne parvenais pas à comprendre pourquoi il m’avait fait, avec cette désinvolture extraordinaire, des confidences qu’on ne fait pas toujours à son plus intime ami ; pourquoi, au cours de notre dernière conversation, il avait tenu, tout de suite, à m’ouvrir toute grande la porte de son scepticisme et de son immoralité ? Était-ce insouciance naturelle ?… Confiance imprudente ou naïve ?… Cynisme volontaire et réfléchi ?… Ou bien détour de ruse pour mieux expérimenter la qualité de mes sentiments ?… Ou encore orgueil inconscient de quelqu’un qui se croit supérieur aux conventions sociales, aux préjugés mondains ?… Suppositions absurdes, invraisemblables, inadmissibles ! Et j’en revenais toujours à me répéter ceci : « Enfin, il ne me connaît pas… pourquoi fait-il cela ? » Malgré les renseignements favorables qu’on avait pu lui donner sur mon compte et dont il était homme