Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/105

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Le marquis répliqua vivement, en se tournant cette fois vers moi :

— Mon cher, vous n’allez pas m’apprendre ce qu’est le maréchal… Le maréchal est mon cousin. Il m’aime beaucoup, et bien qu’il prétende que je sois un cerveau brûlé, j’ai sur lui une petite influence, car il adore mes vices. En tout cas, je le connais à fond, vous comprenez ? Non, non… Du côté du maréchal, rien à craindre… Il marchera… Pure question de temps… D’ailleurs — et c’est l’important — la maréchale nous est complètement acquise… vous pensez bien qu’elle aussi a un confesseur qui n’est pas là seulement pour l’absolution de ses péchés… Excellente femme !… Alors, la Chambre dissoute dans quinze jours… dans un mois, dans deux mois au plus tard… et Gambetta réduit au silence, par la prison… le bannissement, ou… ce qui vaudrait mieux, car on n’en revient pas… la mort… nous voilà tout de suite aux élections…

— Révolution parlementaire !… Mauvaise affaire, monsieur le marquis, affirmai-je catégoriquement. Jamais des élections ne vous donneront la royauté…

Celui-ci pirouetta sur ses talons et, avec un élan de sincérité qui me parut extrêmement comique :

— La royauté ? fit-il… mais je n’y tiens pas du tout… mais je m’en fiche complètement…