bant sur mes talons, un pantalon à la houzarde, une cravate à triple torsion, et des cheveux je ne sais comment ! Au bout de quelques soirs, on n’a plus voulu de moi, et l’on m’a mis à la porte. Comprends-tu ?
— Des vers de toi ? Alors, tu es poète ?
— Regarde ma peau fripée, et le creux de mon ventre, et mes guenilles. Est-ce que je n’ai pas l’air d’être poète ? Je suis presque aveugle. Une nuit que j’avais dormi, au bord de la Seine, derrière un tas de pierres, je me suis réveillé avec des yeux qui ne voyaient presque plus. C’est peut-être la vingtième fois qu’on m’amène ici ! Car je suis si indiciblement pauvre, que je n’ai même plus le droit de dormir quelque part ! Quand je suis trop fatigué, et que je m’étends sur un banc, ou sous l’arche d’un pont, on me ramasse. Il paraît que j’ai volé quelque chose à la société !
Il eut un sourire d’une tristesse charmante, et il reprit :
— Aujourd’hui, je passerai devant des juges. Et ils me diront : « Ah ! c’est encore vous ! Nous n’en pouvons plus de vous condamner ». Et ils me renverront. Les prisons ne veulent plus de moi. Elles refusent de me nourrir. Je ne leur fais pas d’honneur, n’ayant jamais commis de crime ! Qui est-ce qui a tué la vieille femme pour le meurtre de qui tu es ici ?
— Je ne sais pas ! Veux-tu que je te raconte ?
— Je n’y tiens pas. Il y a tant de vieilles femmes qu’on tue, chaque jour, dans Paris ! Je te demande cela pour dire quelque chose, et aussi parce que je voudrais que ce fût moi qui l’aie tuée !
— Toi ! pourquoi, toi ?
— Parce que j’aurais une maison, une gamelle et, sur le corps, un peu de laine chaude. Je rêve du bagne comme d’un palais. On doit y être bien ! Mais je suis trop lâche ! La vue d’un couteau me fait trembler ! Oui ! les assassins et les voleurs sont des hommes heureux. Ils peuvent vivre ! Moi, qui ne puis me résoudre à tuer et à voler, je vais comme ces chiens perdus, fouillant ci, vautrés là.
Il fit de sa casquette une sorte de tampon qu’il inséra entre le mur et son dos.
— Dis donc ?