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Ma complice.


Je n’ai passé à Bruxelles qu’une bonne journée : celle qu’y a passée Mme B… arrivant de Monte-Carlo pour aller à Ostende. C’est toujours un plaisir que de la voir et de l’entendre rire.

J’ai pu lui parler de Bruxelles, à mon aise, et c’est sa complaisance qui est un peu responsable du souvenir que j’ai gardé de ce dernier séjour.

Elle possède à merveille la coquetterie de donner, en riant à tout ce qu’ils disent, de l’orgueil aux plus sots, comme si elle ne savait pas du tout qu’elle arrive à être encore un peu plus jolie quand elle rit, que ses yeux s’approfondissent et jouent, à la façon du velours sous la pesée du doigt, et que sa lèvre, non contente de se soulever sur les dents qu’elle a, découvre encore la surprise et le délice d’une gencive de chatte. Si je n’étais guéri d’aimer l’amour, et capable en tous cas de m’éprendre d’autre chose qu’une femme laide, j’envierais l’ami qui est si amoureux d’elle, et l’envierais plus qu’elle, qui ne sait que s’en moquer.

Ce n’est sans doute pas cette pauvre jolie petite Mme B… qui a inventé l’accent belge, l’accent belge de Bruxelles, surtout ; ni elle qui est responsable de l’art belge, ou des modes belges, ou des mœurs belges, ou des imitations belges, ni de l’aspect comique et cossu des bruxellois et de leurs bruxelloises. Mais, à coup sûr, si les compatriotes de M. Francis de Croisset, né Wiener, me demeurent tellement comiques, ou, ce qui revient au même, sont aussi comiques, c’est que je n’ai poussé si fort leurs ridicules que pour entendre encore, entendre toujours