En attendant, on rencontre, dans l’hôtel, plus de peintres, de fumistes, de plombiers, de menuisiers, de tapissiers, que de voyageurs… À peine quatre ou cinq Américaines qui vont en Hollande, ou qui en reviennent, elles ne savent pas au juste ; à peine trois pauvres Anglais, qui, demain matin, se rendront au champ de bataille de Waterloo.
Le service est complètement désorganisé. On ne peut rien avoir, pas même d’eau. Ce matin, en guise de petit déjeuner, j’ai eu une conversation avec le garçon.
— Monsieur va sans doute à Ostende ?
— Non, mon ami… Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je n’irai point à Ostende.
— Monsieur a tort… monsieur devrait y aller… Il faut avoir vu cela… C’est curieux… Depuis l’abolition des jeux, nous avons au Casino d’Ostende, quatre tables de roulette et trente-deux de baccara… Elles travaillent nuit et jour, monsieur… Je ne parle pas des petits chevaux, pour les petites gens… Il y en a !… Il y en a !… Et les femmes… les femmes !… Ah !… monsieur sait sans doute que, maintenant, Ostende doit rester ouvert toute l’année ?… Du moment que les jeux sont supprimés, il n’y a plus à se gêner, n’est-ce pas ?
Puis, discrètement :
— Le Roi en est !
Et comme je ne dis mot, le garçon explique :
— Oh ! il ne s’en cache pas… Il s’en moque, allez, de ce qu’on peut penser ou ne pas penser de lui… C’est un type… Et pourvu que la galette soit au bout !… Bras dessus, bras dessous, il se promène, sur la digue, avec Marquet, le directeur du Casino… En voilà un qui a de la veine ! Il n’y a pas si longtemps, il était garçon… petit garçon… à la buvette de la gare de Namur… Bien des fois, il m’a servi une tasse de café, entre deux trains…