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tance des intérêts, des appétits et des privilèges, et malgré eux-mêmes, les pousse invinciblement vers la grande unité humaine.

Oui, ce qui est nouveau, ce qui est captivant, c’est ceci. Non seulement l’automobile nous emporte, de la plaine à la montagne, de la montagne à la mer, à travers des formes infinies, des paysages contrastés, du pittoresque qui se renouvelle sans cesse ; elle nous mène aussi à travers des mœurs cachées, des idées en travail, à travers de l’histoire, notre histoire vivante d’aujourd’hui…

Du moins, on est si content qu’on croit vraiment que tout cela est arrivé. Et puis, pour nous les rendre supportables et sans remords, ne faut-il pas anoblir un peu toutes nos distractions ?



Il y a six ans, je me rappelle, parti, un matin, d’Aurillac, sur une des premières automobiles que vous ayez construites, j’arrivai, le soir, vers quatre heures, en plein Jura, à Poligny.

C’était la fin d’un jour de marché. Tout était calme dans les rues. Nul bruit dans les cabarets, à peu près vides. Bêtes et gens s’en allaient pacifiquement, qui à l’étable, qui au foyer. Quelques groupes restaient encore à deviser sur la place, où les petits marchands avaient