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— Oui… je sais bien… faisait-il en hochant la tête… en Belgique, j’ai un peuple… Mais j’ai aussi, ailleurs, une fortune énorme, qui me cause beaucoup de tracas… Il faut bien que je l’administre…

Voyez tous les poètes, tous les écrivains, tous les artistes bruxellois et ixellois qui, dès l’âge le plus tendre, en cohortes serrées, s’empressent de déserter leur capitale, et s’en viennent à Paris, afin, sans doute, d’y apporter un peu de cet accent savoureux qui manque encore à notre littérature, et d’y gagner rapidement cette consécration décorative et lucrative qui manque tant à la leur…

Et comme ils ont raison.



Ils ont raison, car presque tout me paraît ridicule à Bruxelles, me donne et leur donne envie de rire, mais d’un rire terne, d’un rire sans éclats, de ce rire glacial, douloureux qui rend tout à coup si triste, si triste, triste comme son ciel d’hiver, ses boulevards circulaires, les livres de M. Edmond Picard, les poèmes de M. Ivan Gilkin, les couvertures de M. Deman, les meubles de M. Vandevelde.

Pourtant, Bruxelles est comique. Il n’y a pas à dire, il est extrêmement comique, n’est-ce pas, cher monsieur Camille Lemonnier, qui fûtes, tour à tour, avec une ardeur égale et avec un égal bonheur, Alfred de Musset, Byron, Victor Hugo, Émile Zola, Chateaubriand, Edgar Poë, Ruskin, tous les préraphaëlites, tous les romantiques, tous les naturalistes, tous les symbolistes, tous les impressionnistes, et qui, aujourd’hui, après tant de gloires différentes et tant d’universels succès, mettez vos vieux jours et vos toujours