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dans les écoles démocratiques et les salons libéraux, on appelle toujours le grand siècle. Vraiment, nous n’avons plus à avoir honte du nôtre, quoi qu’en aient les Académies, gardiennes sévères des mensonges du passé.

Que sont nos vices, notre corruption, notre vénalité, que sont nos pauvres petits Panamas, si on les compare aux vices, aux corruptions, aux concussions, aux trahisons de cette cour fameuse qu’on nous donne encore pour le modèle de l’honneur, du patriotisme, de l’élégance et de la vertu ? À peine des farces de collégien… Ma pensée allait, avec une sorte de reconnaissante piété, vers nos bons radicaux et radicaux socialistes qui, comme la noblesse d’alors, forment la classe privilégiée d’aujourd’hui, celle qui, éternellement, sous des titres différents, mais avec des appétits égaux, se rue, dit-on, à la même curée des honneurs et de l’argent… Quelles braves gens ! Et comme je les aime !… Ils sont affables, polis, modérés dans l’expression publique de leurs passions, ennemis du scandale qui est toujours laid, des intrigues trop bruyantes qui sont parfois dangereuses. Excellents patriotes, fermes capitalistes, intermédiaires habiles entre l’épargne et les banques, propriétaires orthodoxes, qui donc pourrait mieux défendre les immortels principes de la conservation sociale, répartir plus équitablement, entre les grosses affaires qu’ils protègent, et les menus besoins des pauvres qu’ils administrent, la manne des budgets ?… En outre, ils ont de l’éducation, de la décence et de la vertu, une culture moyenne qui les rend aptes à toutes les médiocrités éclatantes et fructueuses, un raffinement de mœurs, qui fait leur commerce agréable et sans surprises, des habitudes électorales qui les mêlent au peuple, qui apprennent, même aux plus grincheux, la bienveillance et la familiarité envers les petits…