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tombent en ruine et meurent dans leur cercle de ronces. Personne n’en veut plus. Le temps est dur à l’oisiveté des hobereaux. Les jours de marché, et le dimanche, à l’heure de la messe, on les voit encore se pavaner à la ville, avec des culottes de velours usé, des cravaches, des bottes, des éperons qu’ils font toujours sonner fièrement sur les trottoirs. Mais ils n’ont plus de cheval, car l’avoine est chère ; et ils n’ont plus rien, car, pour avoir quelque chose, il faut le gagner au travail. Ils se contentent de ces simulacres de luxe et de chic, où ils trouvent encore de quoi alimenter leur orgueil déchu, et leur foi chimérique… Heureux pourtant, quand, au retour de la foire, sur la route, ils rencontrent un paysan qui consent à les ramener, chez eux, dans sa carriole, avec son porc !… Je parle surtout de la Bretagne, du Perche, du Nivernais, où il y a encore des châteaux, plus sales que des porcheries, habités par des hobereaux, plus dénués que des mendiants… Mais ici il semble qu’il n’y ait même plus de hobereaux, retournés avec leurs cravaches, leurs éperons, leur Roi et leur Dieu, dans le grand tout du passé.

Quelquefois, sur une hauteur, se dresse encore un château tout neuf, de brique et de pierre, avec des tours, des tourelles, des créneaux. Soyez sûr qu’il appartient à un cordonnier heureux, à un épicier enrichi, parvenus enfin à réaliser le rêve anachronique et seigneurial, qui hanta leur esprit de prolétaire…



Une ville morte.


Rocroy, nom sonore qui semble claironner, à lui seul, toute la jeune gloire de Louis XIV.

J’ai vu bien des villes mortes, — elles ne sont pas