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manier l’aviron avec un si bel entrain de joyeux canotier !… Ce furent d’atroces moments… Je fis tout pour abréger cette angoissante visite. On nous débarqua à Antibes… Bourget voulut, à toutes forces, me reconduire jusqu’au train qui me ramenait à Nice… Comme nous nous quittions, je lui frappai sur l’épaule, et je lui dis : « Ah ! oui !… vous l’avez amené à la psychologie… Il y est, le pauvre bougre… il y est en plein !… Mes compliments, mon cher Bourget… » Depuis, je ne l’appelle plus « mon cher Bourget », ni même « Bourget », je ne l’appelle plus du tout… Car je ne l’ai jamais revu… C’est le général Mercier qui l’a revu…



Nos colonies.


Le lendemain, von B… rentrait à Berlin par le chemin de fer ; sa Mercédès aussi… Nous, nous filions sur Mayence…

À Mayence, nous avons rencontré un certain docteur Herrergerschmidt, le vieil Allemand classique, comme il s’en trouve encore, dans les stations de la Suisse, l’Allemand à longue redingote, à barbe broussailleuse, et à lunettes rondes. Mais je constate que la race s’en perd, de plus en plus.

Épigraphiste de son métier, le docteur a rapporté de Tunisie de très belles pierres puniques, à moins qu’elles ne fussent phéniciennes — il n’est pas encore fixé — et qui offrent, pour l’Histoire, un intérêt capital, en ce sens qu’elles sont absolument indéchiffrables…

— Indéchiffrables, répète-t-il, avec admiration… C’est là le plus beau !