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BORDS DU RHIN

garçon… Tu ne crèveras pas comme Balzac, toi !… On te fermera les yeux, à toi !

Et il reprit :

— Hugo prétend avoir été reçu dans la maison par Mme Surville. Il prétend qu’il s’est entretenu quelques minutes avec M. Surville, qu’il a vu Mme de Balzac au chevet de son fils agonisant. Or j’affirme que ni Mme Surville, ni M. Surville, ni Mme de Balzac mère ne vinrent, ce soir-là, à l’hôtel de l’avenue Fortunée. La vieille femme que Hugo a prise pour la mère était une simple garde… et Dieu sait ce qu’elle gardait ! Il y avait aussi un vieux domestique, paresseux et roublard, celui-là même qui dit à Hugo : « Monsieur est perdu et Madame est rentrée chez elle. » Ils n’étaient presque jamais dans la chambre du moribond. Ils n’y étaient même pas au moment précis où Balzac rendit le dernier soupir… Ni famille, ni amis… Gozlan, je me rappelle, était absent de Paris… On oublia de prévenir Gautier et Laurent Jan… Aucun éditeur ne fut averti, aucun journal… Le jour du 18 août 1850… je vous en donne ma parole d’honneur… il n’est venu, chez Balzac, que deux personnes : Nacquart, son médecin, dans la matinée, et Hugo, le soir, à neuf heures… J’en oublie une troisième : Mme Victor Hugo, qui, l’après-midi, demanda Mme de Balzac, et ne fut pas reçue…

— Et vous ? interrompis-je.

— Oh ! moi !… fit Jean Gigoux.

Il haussa les épaules, lissa ses longues et fortes moustaches.

— Moi ! répéta-t-il… attendez… j’aurai aussi mon compte…

Il continua :

— Vous savez que Balzac était rentré de Russie très malade, perdu. Il avait une artério-sclérose, – ce qu’on