Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Allons, dis adieu à monsieur… Faut que nous partions… Mais nous reviendrons dans quelque temps… Nous reviendrons te voir, encore une fois…

Il confia sa mère à une surveillante qui attendait, près de la porte, l’embrassa de nouveau, tendrement…

— Porte-toi bien, maman…

Et il sauta dans la voiture :

— Soixante-dix-sept ans, monsieur !… Et maligne… maligne !… Vous comprenez ?… toute seule à son âge… Alors, je l’ai mise là… on la soigne bien… elle est heureuse…

Puis :

— Monsieur a été bon pour moi… Je remercie bien monsieur… Vrai !… monsieur est un bon garçon…

Il ajouta, après avoir vérifié son graisseur :

— Si monsieur a faim, nous pouvons aller déjeuner à Amboise… C’est à dix minutes d’ici…

En traversant le village, lentement, il reconnaissait les maisons… appelait les gens.

— Tiens !… C’est Prosper… Bonjour, Prosper !… Voilà la forge du père… Maintenant, c’est un café… Tenez, monsieur. À Tivoli… oui, c’est là qu’elle était… Eh bien, mon vieux Vazeilles… tu en as un fameux coup de soleil… Ça, c’est mon oncle… ce petit gros, devant l’épicier… Bonjour, mon oncle !…

Ému et glorieux, il se dressait, se carrait dans l’automobile.

Lorsque nous eûmes dépassé la dernière maison, il se retourna vers moi, et me dit « en donnant ses gaz » :

— Joli patelin, n’est-ce pas ?… Il n’a pas changé…

Ce mois-là, en examinant son livre, je constatai, sans trop de surprise et sans la moindre irritation, que le bon Brossette avait largement rattrapé les quarante francs donnés à sa mère. Je dois dire, à son honneur, qu’il