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ment et un chapeau qui ne sont pas, depuis quelque quinze ans, indifférents qu’aux saisons, comme je le croyais, qui le sont aussi aux latitudes et aux frontières, j’eus la surprise de le constater…

— Enfin, s’écria-t-il après s’être incliné devant les dames, enfin !… Je trouve des Français… je trouve des Parisiens, des êtres simples, candides… des êtres normaux et vertueux… Laissez-moi vous regarder !

Ses lèvres s’avançaient pour rire ; il ne criait pas moins fort que, rue Laffitte ou rue Richepanse, lorsqu’il parle d’art, et ne forçait pas moins sa voix jusqu’au fausset.

— Oui, mes amis, j’arrive de Berlin… Vous n’avez pas été, cette fois-ci, jusqu’à Berlin ?… Allez à Berlin… allez-y… il faut absolument aller à Berlin… Il faut le voir, le revoir… C’est prodigieux… kolossal !… comme ils disent… Allez-y !…

Et, me prenant par le bras comme pour m’y entraîner, il parlait toujours :

— Toutes les fois que j’y reviens, j’y ai une surprise nouvelle… C’est que j’ai connu Berlin, en 56, moi… Une grande ville de province, pleine de soldats, triste, l’air pauvre. À présent, le luxe s’y étale… brououu… Et le dévergondage ?… Brououu !… Ah !… Kolossal !…

Ses yeux se bridaient dans la grimace qu’il faisait en riant, et il baissait la voix en m’emmenant à l’écart avec Gerald.

— Des pédérastes ! des pédérastes !… Tous pédérastes !… Les plus grands seigneurs, les officiers, les ministres, les artistes, les chambellans… et les généraux, et les grands écuyers, et les ambassadeurs…, tous !… tous !… Scandales sur scandales… procès sur procès… disparitions sur disparitions… Kolossal !… D’ailleurs, vous avez bien lu, en première page du Temps, qui n’en