maisons blanches et des balcons fleuris. Nous n’en avons pas une pareille en France. Les larges voies des nouveaux quartiers, luisantes comme des parquets suisses, les universités monumentales, tous ces palais élevés à l’honneur des lettres, des sciences, et des armes aussi, par lesquels l’Allemagne s’est enfoncée jusqu’au plus profond du vieux sol français, ces jardins merveilleux, ce commerce actif qui, partout, s’épanouit en banques énormes, en boutiques luxueuses, et cette armée formidable qui veille sur tout cela, doivent faire réfléchir bien douloureusement ceux qui gardent encore, au cœur, d’impossibles espérances. Ah ! je plains le pauvre Kléber qui assiste, sur sa place, impuissant et en bronze, au développement continu d’une cité à qui il a suffi d’infuser du sang allemand pour qu’elle acquît aussitôt cette force et cette splendeur. Telle fut, au moins, ma première impression.
Je n’ai pas la prétention, en traversant une ville, de juger de sa mentalité. Un voyageur est dupe de tant d’apparences ! Et tant de choses lui échappent !… Mais j’ai longuement causé avec un Alsacien très intelligent, qui ne se paie pas de mots. Il m’a dit :
— Strasbourg est complètement germanisée… Quelques familles bourgeoises résistent encore. Mais leur résistance se borne à ressasser, en français, d’anciens souvenirs, le soir, autour de la lampe… Elles n’ont ni influence, ni crédit. N’oubliez pas, non plus, que le prêtre, en ce pays très catholique, s’est fait tout de suite l’agent le plus ardent, le plus écouté de la conquête définitive. Par intérêt, par politique, le prêtre est devenu profondément, agressivement allemand. Il n’a même pas attendu le dernier chant du coq gaulois, pour renier sa patrie !… Au vrai, il n’y a plus ici