Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils sont inesthétiques… ils ne mènent à rien. » Et, me montrant les beaux hôtels qui, de chaque côté, bordent l’avenue : « Voilà, cher ami… C’est là !… » Ah ! si j’avais su profiter de ses leçons… Enfin, il était charmant… Depuis, la vie, n’est-ce pas ?… toutes sortes d’ambitions…

— Il est si ennuyeux !… s’écria une dame, avec une conviction qui nous fit tous éclater de rire…

— Enfin, comment est-il ?… demanda une autre dame… Est-il vrai que les femmes françaises raffolent de lui ? Je ne puis le croire…

— Mon Dieu !… elles ont peut-être raffolé de lui, autrefois. Oh ! autrefois… Tout est possible. Il le croyait, d’ailleurs… Mais Bourget a cru à tant de choses… auxquelles il ne croyait pas !… Maintenant, il est gras, un peu bouffi, et il est très, très vieux… Il ne flirte plus guère qu’avec Joseph de Maistre, M. de Bonald, la monarchie, le pape…

— Pauvre garçon !… gémit la dame, avec une voix et une mine également compatissantes.

— Ne le plaignez pas… Il y a là aussi des dessous à chiffonner… Il est vrai que ce ne sont plus ceux de la dame au corset noir.

Un souvenir, alors, me revint :

— Le vieux père Augier, qui était un bourgeois impénitent, m’a fait, sur Bourget, un mot qui le biographie assez bien… Il est pittoresque, mais un peu vulgaire… Je n’ose…

— Dites… dites !…

— Eh bien, Augier m’a dit… il me l’a même dit en vers : « Votre Bourget, mon cher, mais c’est un cochon triste !… » Je rapportai le mot à Bourget… Il s’en montra ravi…

— À cause de « triste » ?… sans doute…