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vertu allemande, « qui est la plus solide vertu du monde »… Et il revenait à la cathédrale, avec une sorte d’hostilité comique, la bouche pleine de nourritures et de bredouillements :

— La plus belle…, vous entendez…, la plus belle du monde !…

Moi, de mon côté, puérilement, je m’acharnais :

— La plus laide… la plus laide… la plus laide du monde !

Je ne voulus même pas excepter celle de Prague, qui, au moins, proclamai-je avec un pompeux lyrisme, « a cette beauté de dresser sa masse énorme sur les hauteurs du Radchin, et de se refléter, le soir, avec les palais qui l’entourent, dans les eaux embrasées de la Moldau ».

— La Moldau ! criait von B… en haussant les épaules… la Moldau n’est belle qu’à Dresde, n’est belle que quand elle est allemande, et qu’elle s’appelle l’Elbe… Et le Rhin ?… Ah ! ah !… Le Rhin ?… Vous n’en parlez pas, du Rhin ?

Je sentis s’engouffrer, en moi, comme un grand vent, l’âme de M. Déroulède.

— Le Rhin ? déclama l’âme de M. Déroulède… Mais, mon pauvre von B…, il a tenu dans notre verre !

Jusqu’au doux Gerald qui, avec une persistance d’ivrogne, revendiquait la suprématie de Westminster et de la Tamise sur toutes les cathédrales et tous les fleuves du monde !

Si bien que nous allâmes nous coucher, mécontents les uns des autres, furieux les uns contre les autres, et contre nous-mêmes…

Ô Gœthe ! si tu nous avais entendus !… Et toi, Heine, quelles figures de grimaces ta forte et délicieuse ironie eût