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Honteux, dans sa voiture, que nous menions à la laisse, comme un petit chien, von B…, lui non plus, ne songea pas à Beethoven. Et il ne reconnut point sa jeunesse qui le saluait, au passage, sur le seuil des brasseries, lui souriait, fraîche et toute blonde, penchée au balcon des fenêtres en fleurs… Ah ! pauvre « Vieil Heidelberg » !



Il était tard quand nous pénétrâmes enfin, lanternes allumées, dans Cologne. Le soir, les détails se resserrent, se fondent dans la masse. Des villes et des paysages, il ne reste plus que des silhouettes monochromes. J’eus l’impression que j’arrivais à Pontoise, au crépuscule. Le pont, le fleuve, les tours, les maisons en escalade, tout y était. Mais la hâte, l’activité, le mouvement de la foule, l’absence de magistrats promenant leurs familles, de bourgeois prenant le frais à la bouche des caniveaux, de boutiquiers qui se caressent le ventre, devant leurs boutiques, dissipèrent vite cette illusion patriotique.

Nous descendîmes de voiture, devant l’hôtel du Dôme qu’écrase, de son ombre, la plus colossale, la plus colossalement laide cathédrale du monde.

Le dîner fut mauvais et parfaitement maussade. Nous eûmes un von B… transformé, quinteux, querelleur, avec l’exclusivisme, les préjugés, la suffisance agressive d’un bon Allemand, abonné à la Gazette de la Croix. Il railla âprement le socialisme, défendit la cathédrale de Cologne, « qui est la plus belle cathédrale du monde », les Mercédès, « qui sont les meilleures automobiles du monde », l’Empereur Guillaume, « qui est le plus génial Empereur du monde », le goût de Berlin, « qui est le goût le plus admirable du monde », enfin, la