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comprenez-vous ? « Sa Majesté le Fils aux papas ».

Von B… s’arrêta un instant, et, comme effrayé de ce qu’il avait osé dire, ajouta, plus lentement :

— Mon cher, il y a, en Guillaume, deux êtres très différents et qui semblent s’exclure : l’homme, qui est charmant et que j’aime beaucoup ; l’empereur, que je déteste, car je le juge détestable. Je le vois moins depuis quelques années. Il me gêne de plus en plus… Et je crains bien que l’empereur ne finisse par me détacher, tout à fait, de l’homme… J’en aurai de la tristesse. L’homme est agréable, séduisant, très gai, très simple, très loyal, très généreux, et il est fidèle à ses amis… Oui, – cela vous semble un paradoxe, – il a des amis, de vrais amis, dont quelques-uns, des gens obscurs, désintéressés et qui, comme moi, n’attendent rien de sa toute-puissance.

Il dit textuellement :

— C’est un bon garçon… un bon garçon allemand !… Vous voyez ça ?…

Et il poursuivit :

— À l’entendre, dans l’intimité, causer familièrement, sans morgue, sans apparat, le corps renversé sur le dossier d’un fauteuil bas, les jambes haut croisées, fumant sa pipe et riant aux éclats, on ne pourrait jamais s’imaginer que c’est là cet autocrate redoutable, encombrant et falot, qui emplit, qui surmène, qui terrorise l’Europe et le monde du fracas de sa personnalité.

S’étant reculé pour donner à sa chaise, sur laquelle il se balançait, plus de champ, il fit encore une digression :

— Étrange bonhomme !… Ce Guillaume II intime, fils d’une Anglaise, c’est encore un jeune patricien anglais, qui a passé par Bonn, au lieu d’avoir passé par Oxford, et qui fait son possible pour demeurer un homme de sport. S’il pouvait, je crois bien qu’il monterait