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l’Empereur très librement, parfois très sévèrement. Il y a donc tout profit à l’entendre.

Ajouterai-je – et il aura tout de suite conquis vos sympathies – que c’est un automobiliste fervent, un automobiliste de la première heure ?

Vingt minutes après notre rencontre, nous étions attablés.



Je réclamai de la cuisine allemande. Le maître d’hôtel suisso-italien qui, dans cette salle effrayamment belge, vint nous présenter un menu, décoré de femmes laurées à la Bœcklin, et imprimé en lettres d’un gothique hargneux, parut fort scandalisé. Von B… vint à son secours, en m’expliquant qu’il n’existe pas de cuisine allemande, sinon chez quelques très vieilles familles poméraniennes, et que, dans aucun hôtel, dans aucun restaurant allemand, on ne peut se faire servir autre chose que de la mauvaise cuisine française.

Il me dit en riant :

— Mais, mon cher, vous ne savez donc pas que l’Allemagne est, peut-être, le seul pays du globe où il soit tout à fait impossible de manger… par exemple… de la choucroute ?

Ce soir-là, en fait de produits allemands, l’Allemagne ne députa à notre dîner que deux de ces longues bouteilles de vin du Rhin, penchées dans des seaux à glace, et dont les goulots d’or bruni affleuraient à la nappe.

Je commençai par vanter l’accueil que reçoivent ici les automobilistes ; ensuite, je m’extasiai sur les belles routes, ces admirables routes dont on m’avait fait si peur en France. Von B… répondit :