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Ces sortes d’hôtels, si hostiles par tous les détails de leur esthétique, ont du moins ceci de précieux, qu’ils offrent au voyageur le plus délicat et le plus raffiné les plus complètes ressources de toilette et d’hygiène. En procédant à un minutieux lavage, dans un cabinet muni de tous les appareils désirables d’hydrothérapie, je ne pouvais m’empêcher de songer que, par là encore, j’étais bien loin de notre belle France où, presque partout, même dans les plus grandes villes, les hôtels conservent jalousement les habitudes de la race, la tare héréditaire où se reconnaît, mieux que par son esprit, un véritable Français de France : la malpropreté. Malpropreté monarchique et catholique à qui Louis XIV donna le caractère d’une vertu, et la force d’émulation d’un concours. Chamfort ne raconte-t-il pas qu’un gentilhomme, ayant observé que les abords du palais de Versailles étaient empuantis d’urine, ordonna à ses domestiques et à ses vassaux de « pisser » abondamment autour de son château ?

Que de fois, arrivant le soir, dans un hôtel de Normandie, par exemple, j’ai dû m’enfuir devant les saletés de la chambre, les draps douteux, les poussières accumulées des rideaux, les crasses pullulantes des tapis, et, surtout, devant ces odeurs ammoniacales qui, des couloirs, par les fentes des portes, s’infiltrent, pénètrent, imprègnent tous les objets !… Que de fois me suis-je résigné à coucher dans mon auto, comme un forain dans sa roulotte, à l’entrée des villes, sous les arbres des promenades, et mieux, en plein champ, où l’on respire un air moins mortellement humain !…

Et je me souvenais qu’un jour, dans une ville du Morvan, descendu à l’hôtel, un petit hôtel coquet, récemment remis à neuf, selon l’Évangile du Touring-Club, je m’étonnai de voir combien étaient ignominieusement