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aussi, monsieur, j’ai des enfants… Je sais… Je sais… Cela ne vous désobligera pas que…

— Je vous en serai reconnaissant, au contraire… J’avoue que j’ai de grandes inquiétudes…

Le général demanda quelques renseignements complémentaires… et, saluant :

— À bientôt, j’espère…

Quelques jours après, il se présentait à nouveau… Il était tout souriant :

— J’ai des nouvelles de monsieur votre fils… Il est au Mans… Il se porte très bien… Je suis heureux d’avoir pu…

Puis :

— Je crois que nous touchons au terme de cette affreuse chose…

Puis encore :

— Voulez-vous me permettre de vous serrer la main ?

J’entendais encore mon père me dire qu’il n’avait jamais été plus touché par la bonté d’un homme, et que, jamais, il n’avait serré une main française avec autant de joie qu’il étreignit cette main allemande… C’est que mon père était, lui aussi, un brave homme… Dieu merci, il n’avait rien d’un héros de théâtre.

Sous l’impression de ce souvenir, je m’exaltai :

— Ma foi ! tant pis… m’écriai-je tout à coup… Arrivera ce qui pourra… Allons-y, Brossette, allons-y !

L’air était frais, la carburation excellente. La bonne C.-G.-V., lâchée, bondit et roula comme une trombe sur la route.

— L’accélérateur, Brossette !… Nous verrons bien…

— Sale pays ! répéta Brossette, en réglant ses gaz et donnant méthodiquement de l’avance à l’allumage.

En quelques minutes, nous fûmes à Emmerich, où nous traversâmes le Rhin, sur un bac à vapeur très puissant ; en quelques autres, à Clèves, dont nous esca