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Les vaches, les bœufs peuvent aller de pair avec les chevaux. Cependant, il semble qu’il y ait, comme entre le prolétaire des villes et celui des champs, une sorte d’avantage intellectuel, au profit du rustre, plus lourd, moins déluré, mais plus avisé.

Une vache ou deux, surprises, une bande de bœufs qui vont à l’herbage ou à l’abattoir, auront l’air gauche et comique à détaler pesamment, et leur gros derrière à se lever, se trémousser, et leur queue ridicule, à battre l’air, devant le moteur qui les pousse. Ils vous mèneront peut-être loin ainsi. Mais même une troupe de veaux, très longtemps poursuivis, tourneront toujours dans un chemin, dans une brèche de la haie, dans un champ, où ils se remettront bien vite de leur émoi, et vous regarderont passer avec une curiosité un peu tremblante, une gentillesse étonnée… J’ai remarqué que les vaches ont, en général, une certaine sagesse. Elles ne perdent complètement la tête que si, parmi elles, un cheval vient leur communiquer sa peur stupide.

Les chèvres, nerveuses, au point que leur lait donne, parfois, dit-on, des convulsions aux petits enfants, les chèvres ne s’affolent que si elles sont attachées, leur petit près d’elles. Alors, désarmées, elles tirent sur leurs entraves, tournent autour du piquet, de la longueur de leur chaîne, en bondissant et secouant leurs cornes, s’élancent, retombent, cabriolent et dégringolent… Libres, d’un bond leste et précis, sans trop de terreur, elles grimpent sur le haut du talus, où, se sentant en sécurité, elles se mettent aussitôt à grignoter les pousses tendres des broussailles…