Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée



LA FAUNE DES ROUTES




Ce printemps dernier, allant à Grenoble, par les Grands-Goulets, nous fûmes arrêtés, à quelques kilomètres, au delà de Pont-en-Royans, par un troupeau de deux mille moutons, qu’on menait dans les hauts pâturages, et qu’il nous fallut suivre, pas à pas, jusqu’au Villard de Lans. En ces régions difficiles, où les routes, souvent dangereuses, toujours étroites, très rares d’ailleurs, ne se croisent presque jamais, où un carrefour est un scandale, impossible de traverser une telle masse. Les pâtres, disons-le, ne mettaient aucune complaisance à nous faciliter le passage. Ils s’amusaient même beaucoup de notre déconvenue. Ils s’en seraient amusés bien davantage, s’ils avaient su que des amis nous attendaient à Grenoble, et que, pour nous être arrêtés trop longtemps, dans Valence, devant l’infortuné Émile Augier, de Mme  la duchesse d’Uzès, nous étions fort en retard. Peut-être le savaient-ils, car les pâtres savent tout, étant sorciers.

Suivant l’exemple de leurs maîtres, les chiens, visiblement,