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du ciel et les reflets de l’eau confondus, l’absence de tout appareil guerrier, le spectacle d’une vie à la fois active et très calme, d’où tout effort douloureux semble être banni, l’énergie tranquille des visages, le silence des polders et des canaux, tout cela vous prend, vous subjugue, vous conquiert. Jamais rien qui grince et qui menace… Et la terre, si âpre autre part, l’eau, si terrible partout, se font dociles aux mains de l’homme qui leur demande son pain et ses joies.

En bons égoïstes, en sages privilégiés de la fortune, ne cherchez pas trop à briser cette surface riante qui recouvre, peut-être, comme partout, des haines farouches, bien des luttes fratricides, une fermentation sociale qui, à Amsterdam, à Rotterdam, principalement, s’échauffe et bout dans les bas-fonds de la misère et du travail. Contentez-vous, comme toujours, des apparences qui rassurent, et, comme toujours, faites-en des réalités. Que vous importe, si elles mentent ?… Il sera toujours temps de vous réveiller de vos rêves d’autruches.



Que de fois je suis venu ici, déprimé, surmené, les nerfs tendus et vibrants, par conséquent prédisposé à toutes les impulsions mauvaises ! Et, après deux jours passés à La Haye, où ce qui reste d’un peu sauvage, d’un peu inquiétant dans le caractère hollandais disparaît, après deux jours de flânerie devant le Vivier, le Palais de Rembrandt, que gardent les cygnes, le Palais de la Petite Reine douloureuse, où ne veille aucun soldat, après deux jours de promenades, le long de ces jolies rues, de ces jolis jardins, si joliment fleuris, à travers cette belle campagne verte qui s’étale autour