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vraiment ? – il se rapprocha, à pas de loup, de la glace, qui, loin d’offrir un voile à la pudeur de la dame, ne la dévêtait que davantage…

— Me… Monsieur !… Non… non… Soyez gentil… Non… je… je… Allez-vous-en… je… vous supplie !

Des bras suppliants sont débiles. Les bras de notre ami l’avaient prise, enserrée, l’entraînaient vers le lit, tout couvert de robes, de corsages, de gants, de chiffons, de lingeries parfumées que, l’un après l’autre, il envoyait promener à travers la chambre, sans un mot… Et la dame ne pouvait crier, mais à peine, et de plus en plus bas, que :

— Me… Monsieur !… Ah !… Ah !… Me… Me…

Puis, il sentit qu’une étreinte répondait à ses étreintes, que des caresses répondaient à ses caresses… Et la voix, peu à peu voilée, et puis rauque, enfin haletante et pâmée, balbutiait :

— Ah ! mon chéri !… mon chéri !

Gérald en riait encore quand il eut regagné sa chambre, voisine de celle de la dame, et y fut tombé dans un fauteuil, où il s’endormit jusqu’au dîner.

Son récit terminé, il nous dit :

— Je comprends que je me sois trompé de chambre… Mais, elle ?… Pourquoi la sienne, juste à ce moment pathétique, était-elle entrebâillée ?…

Nous allions nous livrer gaîment à diverses hypothèses, quand nous vîmes Gérald tout à coup rougir… ah ! rougir comme avait dû rougir la dame en chemise, ou plutôt sans chemise. Mais il ne rougissait pas seul. Un couple pénétrait dans le restaurant, où nous nous étions attardés à fumer. Une femme, d’à peine vingt-cinq ans, blonde, les joues en feu, toute scintillante de jais, et ramenant, par contenance, la gaze verte qui se gonflait à son épaule, s’avançait, incertaine,