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la surface leurs bulles d’infection. Qu’on remue ce lit profond de pourritures, où le moindre caillou qui tombe délivre les fièvres captives, qu’on le drague, qu’on l’expose à l’air, et c’est la ville, c’est le pays entier, ce sont les pays voisins, c’est toute l’Europe empoisonnée… C’est la peste, le choléra, ce sont peut-être des fièvres inconnues, c’est la mort sur le monde !

Les Hollandais ont tout prévu, sauf cela. Ils se croient à l’abri de toutes surprises derrière leurs remparts d’eau. Ils n’ont qu’à rompre une digue pour noyer d’un seul coup leurs envahisseurs. Mais que l’eau découvre son lit de bourbes, et c’est fini d’eux. L’eau se venge d’avoir été domptée, immobilisée, écrasée entre des murs de pierre. Elle est faite pour courir, s’épandre et chanter sur les cailloux d’or. Chaque fois qu’elle croupit quelque part, elle devient mortelle… On a beau faire, il y a toujours un moment où la nature secoue formidablement le joug de l’homme…

Habituons-nous aussi à cette idée que notre sort, même le sort de l’homme de génie qui emporte la pensée au delà des horizons sensibles, veut que ses excréments, veut que ses organes vitaux soient une infection et une honte. La légende qui nous raconte que les cadavres des saints embaumaient est digne de l’Immaculée-Conception. Inventions misérables ! Tous les cadavres puent ; tous les corps humains puent.

Lecteur, le divin Platon allait chaque jour à la selle, ignoblement, comme il faut qu’y aille, chaque jour, ta bien-aimée. Si elle n’y va pas, le cher cœur, elle ne t’aimera plus… Constipé, le divin Platon devient aussitôt une brute quinteuse et stupide. L’intestin commande au cerveau… Quant à cette putréfaction que les villes font sous elles, elle menace toutes les agglomérations, à la façon, songes-y bien, dont les ordures