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pourtant, j’aurais aimé rendre visite à Titien et au Tintoret, chez eux, j’en accuse, en plus des conversations dans le genre de celle que je viens de rapporter, toute une iconographie crapuleuse et une non moins crapuleuse bibliothèque musicale et poétique. Peut-être n’y avait-il qu’un moyen de me laver de ces propos, de toutes ces mélodies, et de tant de motifs pour journaux mondains, illustrés par M. Pierre Laffite et Cie, c’était d’aller à Venise. Mais chaque fois que je suis arrivé à en prendre la résolution, j’ai eu tellement peur de ne rencontrer, sur la lagune, que des amants du répertoire de M. Donnay, ou des paysages de M. Ziem, ou des ritournelles de M. Gounod, que j’ai toujours préféré retourner, une fois de plus, sur le Dam.



Quand on ne les connaît pas bien, et si l’on n’a point le sens aigu des variétés et des différences, tous les quais et tous les canaux d’Amsterdam se ressemblent.

— C’est effrayamment monotone… s’écrie la dame citée plus haut.

Or, je suis allé assez souvent à Amsterdam, pour comprendre, à ma très grande joie, que rien n’est plus divers, et plus bougeant qu’Amsterdam ; que, non seulement aucun reflet des maisons dans ses canaux pareils, mais qu’aucune de ses maisons pareilles ne se ressemblent. Chaque portion de canal est un paysage différent de murs, de pignons, de chalands, de fenêtres fleuries ; chaque maison a son visage propre, sa structure individuelle, selon le degré d’affaissement des pilotis qui la soutiennent… Et, surtout, c’est un autre paysage de ciel, dont on dirait que les Hollandais ont mis, chaque fois, sous verre, la patine prodigieuse.