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lasser de l’éloquence de Weil-Sée, ou du soin qu’il prenait de mon plaisir, cet excellent, ce parfait ami… Cependant quel soupir de soulagement je poussai… quel cri de délivrance, quand la Charron me les ramena ! Jamais je ne vis avec plus d’aise nos dames descendre de l’auto, la tête enveloppée du voile, ou traînant, derrière elles, quelque écharpe de tulle, comme une allusion encore à la poussière de la route… J’étais impatient de repartir ; j’étais surtout pressé de leur raconter mon ami Weil-Sée, de les émerveiller de ses projets, de ses aperçus, de sa vie vagabonde… Et si le sublime leur en échappait, n’avais-je point – pourquoi ne pas l’avouer ? – la ressource de les en faire rire ?

Il en est ainsi de nos enthousiasmes, de la plupart de nos amitiés, ainsi des rêves de notre jeunesse. Il en est ainsi de bien des grands hommes, et de bien des chefs-d’œuvre… Il n’en va pas autrement pour les modes qui, hier exaltées, tombent demain dans le ridicule et la caricature.

Les systèmes de philosophie, dans la tête des hommes, et les plumes d’oiseau, sur celle de leurs femmes, ont le même sort…



Ma dernière journée, je la donnai tout entière à mon ami Weil-Sée.

Il fut amer et triste, triste peut-être à penser que, le lendemain matin, je l’aurais quitté, pour combien d’années ?

Il me parla en termes vagues, heurtés, douloureux, de toutes les amitiés sans courage qu’il avait dû laisser le long de la route… de l’ironie, de l’égoïsme, chez les meilleures, de