Les juifs sont très préoccupés de Jésus… Weil-Sée aimait à en parler ; il en parlait à propos de tout… Au fond, il était fier d’avoir un Dieu dans sa famille. Il reprit :
— Le Malin – c’est bien le sobriquet qu’il mérite – avait mené Jésus sur la montagne, et, sous prétexte de lui offrir le monde, c’est un gouffre qu’il lui montrait… Or, ce qu’il y eut de divin dans le refus, ce n’est pas d’avoir refusé l’offre dérisoire d’un monde – quel monde, qui déjà ne lui appartienne, peut-on offrir à un Jésus ou à un Spinosa ? – Non… le divin… écoutez-moi… c’est d’avoir, sur la montagne, au bord du gouffre, refusé du bras tentateur, l’appui…
Il prit un air dégagé – nous étions, en ce moment, sur la terre ferme – et il ajouta le plus gaîment du monde :
— Pour moi… je suis persuadé que je n’irai pas en enfer… Oh ! ce n’est point que je croie tellement à l’enfer… Ce n’est pas non plus que j’aie une telle confiance dans la vertu de mes actions… ni dans la justice de ce Dieu qui, après avoir créé le monde, en six jours, à la diable, a fait annoncer partout – forfanterie ! – qu’il le jugerait en un seul, comme on expédie les petits délits de police, au début des audiences correctionnelles… Du moins, Dieu sait-il très bien qu’ayant connu toutes les sortes de vertige, ce vertige infernal ne pourrait plus avoir de nouveauté pour moi, et, par conséquent, ne me serait pas un supplice… Alors ?… À quoi bon ?… Ah ! ah ! ah !…
Et sans autre transition, il me parla de la Réforme dans les Pays-Bas, de la Réforme en Allemagne, de la Réforme en soi, et du rôle qu’y jouèrent les Iconoclastes, secte admirable, qu’il regrettait chaque fois qu’il visitait une exposition de peintures.