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les idéologues, vinrent participer à leur vie agricole, à la même austérité religieuse. On voudrait croire que ces pasteurs vertueux n’ignoraient pas, du moins n’ignorèrent pas toujours qu’ils méditaient, labouraient sur des trésors, mais qu’ils les méprisèrent.

Les méprisèrent-ils ? Ou bien ne surent-ils pas les exploiter ?

Si l’histoire qu’on m’a contée est vraie, ce sont les banques de Hollande qui, trop timides cette fois, ou pas assez confiantes dans le succès, auraient cédé aux brookers et promotors anglais les dossiers de ces mines, pour la conquête de quoi, l’impérialisme financier de la plus grande Bretagne devait, quelques années plus tard, massacrer leurs nationaux…

Pauvres Boërs ! C’est à peine si quelques spéculateurs malchanceux déplorent aujourd’hui leur dépossession et leur défaite… À vrai dire, on n’en parle plus… Ils sont complètement oubliés, oubliés comme un mauvais mélodrame qui n’a pas réussi. De cette épopée grandiose qui fit courir, par le monde, un long frisson d’enthousiasme, il ne reste plus que ce petit musée… C’est déjà quelque chose… Mais personne n’y vient. J’ai eu beaucoup de peine à en trouver le gardien. Il était, dans une cour, un tablier de jardinier autour des reins, et, sur la tête, un bonnet de peau de lapin, en train de relever des oignons de jacinthes. Il m’a considéré avec surprise, et même avec un peu d’effroi, comme un phénomène surnaturel…

— Vous comprenez… me dit-il, s’excusant de son accueil… voilà plus de trois mois que je n’ai vu, ici, un visage humain… L’été… de loin en loin… un Anglais… et c’est tout… Et c’est toujours un Anglais qui s’est trompé… Il me demande où sont les Rembrandt ? Oui, monsieur, les Rembrandt… Ici !