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leur offrir un ouvrage sérieux et copieux, comparatif de l’état des peuples, énumérateur de leurs richesses, annonciateur de leurs destinées, et qui — pour peu qu’en plus de ces connaissances respectables et chimériques je connusse intimement la concierge ou la corsetière de Madame de X…, — me vaudrait les éloges de l’Institut, et, peut-être, ce prix — ah ! que j’ai souvent souhaité — ce prix qui répond, au très gracieux, au très galant, au très décoratif nom de Reine Pou !



Je sais des gens qui ont le don d’écrire, en marge de leurs guides, au jour le jour, leurs émotions de voyage, ou ce qu’ils croient être leurs émotions ; qui vont, de salle en salle, dans les musées, un stylographe d’une main, un carnet de l’autre, le Bædecker en poche, les yeux ailleurs et l’esprit nulle part ; qui font arrêter la voiture devant une ruine historique, un point de vue recommandé, l’emplacement d’un ancien champ de bataille, pour enregistrer aussitôt une « idée et sensation », qui n’est le plus souvent que la réminiscence d’une lecture de la veille ; qui ne s’endorment jamais sans avoir inscrit scrupuleusement le compte détaillé de leurs enthousiasmes, en même temps que de leurs dépenses.

Par exemple, ceci, que j’ai lu sur un carnet oublié par un touriste dans une chambre d’hôtel :

« Visité le château de Chambord (voir description dans Bædecker…). On ne bâtit plus comme ça… Oublié les hontes du présent (Combes, Pelletan, Jaurès, Hervé)… Vécu toute la journée parmi les nobles gloires du passé… (François Ier, Diane de Poitiers, duchesse