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J’admirai délicieusement les petits ponts, enjambant les filets d’eau, où l’élan de leur arche unique de bois se referme par son reflet ; petits ponts tout ronds, comme sont ceux du Japon, sur les estampes, et qui, partout, en Hollande, protègent et défendent chaque maison… Et les petites grilles, basses, ouvragées, qui s’ouvrent sur les petits parterres de ces fleurs qui ont un éclat unique, en ce pays mouillé, où la lumière irisée les imprègne, les caresse et les aime. Dans la traversée des villages, parfois, nous apercevions des jardinières, tuyautant aux fenêtres, derrière le transparent qui les vaporise, des collerettes brodées de narcisses, de jacinthes, de tulipes…

Pour la première fois aussi, je redevenais sensible à cet aspect oriental, extrême oriental, qu’ont la plupart des villes et des villages hollandais, sans qu’on sache précisément de quels éléments il est fait.

C’est à la fois l’art du Japon qu’ils évoquent, et l’art primordial de la Chine, mais aussi l’art des Indes, et toute la magie des continents baignés d’eau, et des Îles, que la marine néerlandaise hante depuis des siècles, comme si les navigateurs avaient rapporté de ces contrées qui sont au delà des mers lointaines, avec leurs denrées qui les enrichirent, un émouvant rappel de leurs aspects.

Le développement des influences qui conduisent l’évolution de la pensée dans le temps, n’est si difficile à saisir que parce que l’oscillation des idées, qui est purement intelligible, dévie souvent, du fait d’accidents qui ne sont que mécaniques… J’ai souvent pensé, dans ce voyage, à cette journée féerique où Claude Monet, venu en Hollande, il y a quelque cinquante ans, pour y peindre, trouva, en dépliant un paquet, la première estampe japonaise qu’il lui eût été donné de voir.