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Dreyfus. Ce n’est pas que le Hollandais soit misonéiste et routinier, à la façon du Français, et qu’il s’étonne, outre mesure, des choses dont il n’a pas l’habitude. Au contraire, il accepte facilement un progrès, surtout quand il est d’intérêt général. Mais il a des manies, des mœurs parfois bizarres auxquelles il tient. Il faut les connaître. Il faut le connaître, et ne jamais contrarier son esthétique populaire, d’ailleurs harmonieuse. Et on l’aime, et il nous aime à sa façon, qui n’est pas la nôtre, mais dont la rudesse ne manque ni de bonhomie, ni de pittoresque.

En Hollande, il n’y a ni charbon, ni bois, ni pierre, ni métaux, ni fruits. Ce n’est que de l’eau. Les petits vallonnements des environs d’Arnheim, qu’on franchit facilement, à la quatrième vitesse accélérée, et la forêt d’Appeldorn, avec ses arbres de haute futaie, y font l’effet d’étrangers. Ils annoncent déjà l’Allemagne. Là, l’homme est moins actif ; il m’a paru moins fort, moins beau. C’est une autre race. Le vrai Hollandais, c’est le Hollandais du polder et du canal. La lutte qu’il livre sans cesse aux caprices, aux sournoiseries, aux violences de l’eau, l’a rendu industrieux, patient, énergique, rusé. De cette force dévastatrice, il a su faire un admirable outillage économique, une richesse énorme, et une émouvante beauté. Il en est très fier. Un gros entrepreneur d’Amsterdam me disait :

— En Italie, à la Martinique, ils ont la chance d’avoir des volcans… Et qu’est-ce qu’ils en font ?… Rien… absolument rien… De la ruine et de la mort, monsieur… C’est pitoyable… Ah ! si nous les avions ces volcans-là !… Notre eau et ces volcans-là, monsieur ?… ah ! vous verriez… vous verriez !… Quelles tristes gens !…

— Que feriez-vous des volcans ?… lui demandai-je.