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d’intervalle, dans un pays où l’on aurait vécu trop heureux… C’est alors qu’apparaissent, dans une mélancolie amère, toutes nos rides, tous nos cheveux blancs, et tout ce qui s’est fané sur nous, tout ce qui s’est flétri en nous.

Il n’est pas de miroir d’une eau plus pure, partant plus implacable.



Je ne me doutais pas de cela – du moins, je ne pensais pas à cela – quand l’idée me vint de retourner en Hollande, et je m’imaginais joyeusement que j’allais la revoir, comme autrefois, mirer sa blonde jeunesse, son luxe paisible et mon bonheur, dans l’eau toujours pareille de ses canaux.

C’est au printemps aussi que nous étions partis naguère, tout au début du printemps, d’un printemps alerte et doux, dont il nous semblait que son enchantement devait durer toute la vie. Je m’en souviens bien, et je sais maintenant d’où venait mon illusion et ce qui l’excuse.

Tout le temps de notre voyage, nous étions remontés toujours vers le nord, au-devant de la floraison des lilas. Avant de partir, nous en avions respiré à Paris les derniers bouquets, et, à mesure que nous avancions sur la route, ils avaient recommencé de fleurir… Ils fleurissaient, fleurissaient devant nous, et refleurissaient, sans se lasser.

— C’est le printemps !… c’est toujours le printemps !… ne cessaient-ils de nous dire, au passage, dans les petites cours, dans les petits jardins, sur le rebord des fenêtres où leurs tiges coupées trempaient dans l’eau d’un pot bleu…