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précieux, étendu sur le matelas de soie jaune. Le gros dahlia pourpre qui fleurissait sa chevelure laineuse se fanait, devenait tout noir… Et j’écoutais les musiques qui s’aigrissaient dans les bouges… les dévalées de matelots ivres, les chants, les cris, les colères, les batailles sauvages de la rue… Car il faut toujours à la débauche, comme à la royauté, des gestes de meurtre, et beaucoup de sang…

Il ne reste presque plus rien de tout cela, aujourd’hui… Ces quartiers immondes ont été en partie démolis. À la place où étaient ces ruelles, s’élèvent des maisons d’affaires, à enseignes dorées… Et l’on a bâti des docks, dans lesquels s’empilent d’autres marchandises.



Anvers prospère.


Il a prospéré continûment, grâce à son puissant outillage économique, à son sens pratique du commerce servi par toutes sortes d’adjuvants, tels que les sociétés d’études coloniales et les banques qui pullulent et travaillent ; grâce à la pénétration chaque jour plus profonde, à l’organisation chaque jour plus méthodique, du continent africain, qui ouvre, au trafic, des marchés nouveaux, à l’aventure guerrière, un champ plus vaste, où toutes les violences individuelles, administratives, sont d’autant mieux tolérées qu’elles ont pour complices l’ignorance des uns et le silence de tout le monde… Il a prospéré aussi, grâce à sa situation avancée dans les terres, comme tous les grands ports, abrités