Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne le suis pas moins à l’agencement du moteur, à l’enroulement étudié des volutes de cuivre, au quadruple embranchement de l’admission si pratiquement mécanique et si joliment ornemental, à tout le dispositif assemblant les métaux les plus propres à leur objet, à la distribution anatomique des pièces qui, non seulement, fait vivre le moteur et captive sa fougue, mais encore lui donne une beauté véritable.

Oui, une beauté, cher monsieur Mauclair de la Lune…

S’il y a une beauté des êtres et des objets qui soit n’importe quoi d’autre que le fait de répondre pleinement, exclusivement, à leur destin ou à leur emploi… alors, monsieur Mauclair, je suis comme vous, je ne sais pas ce que c’est que la beauté.

L’esthétique des objets d’art est infiniment plus mystérieuse et, par conséquent, infiniment plus confuse… Mais c’est le propre de toute magie qu’il lui faille un grimoire.



Entre les machines que la sensibilité, que l’imagination de l’homme a créées pour s’affranchir de ses mille servitudes et se rapprocher de l’élément, c’est donc la barque et l’auto que je préfère.

Emporté par l’une ou par l’autre, je goûte la même volupté cosmique ; la même ivresse m’exalte… À leur bord, je suis au bord de l’espace. Chaque tour de roue, comme chaque coup de l’hélice, ou le simple effort de la voile, sous la poussée du vent, multiplie à l’infini les circonférences d’air ou d’eau, concentriques à mon regard, avec sa portée pour rayon, et leur addition vertigineuse fait ma notion de l’espace mouvant… Alors,