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ces curieux animaux qu’on appelle les nationalistes (voir Millevoye, Déroulède), devaient faire de grands bonds inutiles, et leur stupidité seule les empêchait de s’étonner de leur maladresse énorme.

L’auto, elle, commence à prendre toute la beauté souple des êtres construits raisonnablement, raisonnablement équilibrés, et dont les organes répondent aux nécessités des fonctions.



Ici, pourtant, indignons-nous un peu.

Il y a d’irritants imbéciles, assez dépourvus d’imagination et de goût, pour jucher sur un châssis de voiturette je ne sais quelle singerie de chaises à porteurs ; d’autres, non moins irritants et non moins imbéciles, que hantent orgueilleusement des réminiscences de carrosses vitrés, conservés dans les armerias royales, et que l’on vit encore, il y a quelques années, servir aux carnavaleries des hippodromes… Il y a des autos, grossièrement accroupies comme des Bouddhas, boursouflant de hideuses bedaines sur des membres grêles d’insectes… Il y a eu, il reste des radiateurs mal attachés que l’auto semble perdre, en route, comme un pauvre cheval de corrida, ses intestins… Il y a des capots parcimonieux, qui n’enferment pas tout le moteur et font croire à de l’inachèvement. Il y en a, il y en a même beaucoup, qui ressemblent à des garde-manger ambulants, d’autres à des cercueils déjà rongés des vers, d’autres encore à de menus monuments funéraires, prématurément édifiés pour y recevoir les membres mutilés de leurs infortunés conducteurs… et encore d’autres, dont l’ambition peu éclatante,