Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’est le moteur de mon automobile, avec ses poumons et son cœur d’acier, son système vasculaire de caoutchouc et de cuivre, son innervation électrique, est-ce que je n’ai pas une idée autrement émouvante du génie humain, de sa puissance imaginative et créatrice, que si je lis un livre de M. Paul Bourget, ou considère un tableau de M. Detaille, une statue de M. Denys Puech ? Est-ce que le moindre mécanisme qui transporte l’énergie motrice, la chaleur, la parole, l’image, par de minces réseaux de fils métalliques, ou par d’invisibles ondes, n’implique pas une plus grande somme d’études, d’observations, d’efforts, de facultés supérieures ?… Et cependant, le livre banal, infiniment inutile de M. Paul Bourget, la statue — si l’on peut dire — de M. Denys Puech, le tableau — euphémisme — de M. Detaille, il est admis, il est honorable, élégant, que je puisse les vanter tant que je voudrai, et tout le monde me louera d’avoir débité, à leur propos, les sottises esthétiques qui fermentent sous le crâne d’un critique d’art. Mais il me sera formellement interdit de décrire une machine qui, comme l’automobile, par exemple, bouleverse déjà, et bouleversera bien davantage les conditions de la vie sociale.

Eh bien, je proteste, de toutes mes forces, contre cette conception éducatrice des journaux qui leur permet — parce que c’est de l’art — de vous raconter, en quatre colonnes, le dernier vaudeville des Variétés, et qui fait que nous ne savons rien, jamais rien, — parce que c’est du commerce, — des travaux admirables, par lesquels