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avec quelques amis… Il se mêle tellement à la foule, qu’on n’y fait pour ainsi dire pas attention… Quand il passa près de moi, j’étais arrêté devant un kiosque qui, exceptionnellement, était couvert, de la base au faîte, de ces cartes dont je vous ai parlé… Quel ne fut pas mon étonnement de voir, tout à coup, le Roi se retourner, quitter son groupe, se diriger vers le kiosque !

— Bonjour, bonjour, cher monsieur C…, me dit-il, de sa voix la plus aimable, en m’apercevant… Ah ! ah ! je suis content de vous voir… On m’a dit que vous aviez gagné, hier, au Cercle… une grosse somme… une très grosse somme…

— Mon Dieu, Sire… c’est vrai… J’ai été assez heureux… assez heureux…

— Tant mieux… tant mieux… Il faut gagner de l’argent, cher monsieur C…, beaucoup d’argent.

Il acheta un journal qu’il mit dans la poche de son pardessus… et, levant la tête, il considéra toutes ces cartes dont la moins inconvenante le représentait avec, sur ses genoux, Mlle  Cléo de Mérode, presque nue, et qui lui tirait la barbe. J’étais anxieux, quoique assez amusé, je dois le dire.

Son examen terminé, il me montra ces ordures, avec une parfaite aisance, et, du ton le plus naturel :

— Ce kiosque, hein ?… fit-il. Croyez-vous ?… Ah ! ce pauvre B… !… Au fond, ça doit bien l’ennuyer, toutes ces cochonneries. Je sais qu’il doit venir à Ostende, ces jours-ci… Faites donc enlever ça, discrètement…

Et m’ayant serré la main, il alla rejoindre ses amis.

L’anecdote eut du succès.

— C’est assez joli !… murmurait-on, en approuvant par de petits mouvements de tête… ça n’est pas mal…