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La femme du Belge notoire dit à son tour :

— Indulgent pour lui-même, le Roi est implacable aux autres. Sa Cour est gourmée, raide, d’un protocole compassé et vieillot, d’une hiérarchie surannée et comique… Il y veut de la vertu et de la religion… On s’y ennuie mortellement… Peu lui importe. Sa vie à lui n’est pas là… Il ne vient à sa Cour que pour se reposer de ses fatigues parisiennes et se mettre au vert… Nous lui servons de temps de carême… D’ailleurs, outre cette cure d’hygiène dont nous faisons tous les frais, je crois que son malfaisant égoïsme s’amuse énormément à voir les autres se dessécher d’ennui… Ah ! vous n’avez pas idée de ce qu’est une fête à la Cour du roi Léopold, ce vieux marcheur, cet ami de tous les plaisirs… On y a toujours l’air d’enterrer quelqu’un…

J’objectai :

— Mais il a la réputation d’être charmant, galant avec les femmes…

— Avec les femmes des autres pays, parbleu !… s’écria la dame courroucée… Mais nous ?… Ah ! nous !… Il n’a qu’une joie… une joie infernale : nous embarrasser, nous blesser, nous mortifier… Il ne nous montre que de l’ironie, et… le dirai-je ?… du mépris… oui, c’est cela, du mépris…

— Cependant… commençai-je à insinuer… la…

La dame du Belge notoire me coupa violemment la parole.

— Je sais ce que vous voulez dire… vous vous trompez… Elle n’est pas belge… elle n’est pas belge… Elle est… enfin, elle n’est pas belge…

Et elle poursuivit :

— Je ne l’ai jamais vu que méchant avec les femmes belges… d’une grossièreté d’âme qu’il sait, mieux que personne, orner d’un badinage léger, d’une drôlerie piquante,