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au pétrole, et tes boulettes »… Ah ! les roublardes !… C’est passionnant…

— Dire, m’écriai-je, que j’ai été puni, au collège, de huit jours de cachot pour avoir écrit, dans un discours français, ces mots sacrilèges : « l’intelligence des bêtes » !

— Tiens ! moi aussi, dans un thème latin, s’exclama l’aviculteur… chez les Jésuites…

Et son gros rire fit s’agiter toute la basse-cour…

Je n’étais pas au bout de mes surprises…

Au centre d’un parquet, un petit homme, enveloppé d’une longue blouse de toile écrue, un tablier blanc noué autour des reins, la tête coiffée d’une calotte ronde – tout à fait l’air classique d’un interne – disposait sur une table, méthodiquement, des pots, des fioles, des bandes, des rouleaux de ouate hydrophile, et faisait flamber de fins instruments d’acier, dans un récipient de métal.

— Pour quoi est-ce ?… demandai-je.

L’aviculteur parut un moment gêné :

— Pour rien… pour rien… répondit-il.

Puis, tout à coup :

— Bah !… vous avez l’air d’un brave homme… Seulement, pas un mot à personne, hein ?… Eh bien, voilà… Il arrange les poules pour une prochaine exposition… Il les met au point réglementaire…

Et, son caractère joyeux reprenant le dessus :

— Il fait de la race… ajouta-t-il, dans un rire sonore. Vous comprenez ?… J’ai des sujets qui ont des qualités… mais qui ont aussi des tares… On n’est pas parfait, que diable !… Alors, j’augmente les qualités, et je détruis les tares… Je rajeunis les éperons trop vieux… Je peins en rose ou en bleu, selon l’espèce, les pattes jaunes… Je teins les plumes défectueuses… Je supprime des doigts, ou j’en rajoute, suivant le cas… Je retaille