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la queue courte, pointue, relevée à la manière d’un sabre, l’œil féroce, le bec recourbé, coupant, comme celui des vautours, ils me firent l’effet de ces reîtres querelleurs, qui, pour un rien, tiraient l’épée, et vous étendaient, d’un coup d’estoc, sur la berge des routes.

— Des Combattants de Bruges… expliqua en haussant les épaules, le hobereau… Rien du tout… rien du tout… Oui, ils font les fendants… ça a l’air de quelque chose… et, au fond, des couillons, mon cher monsieur, les pires couillons du monde. Ne me parlez pas de ces épateurs, qu’un rouge-gorge mettrait en déroute… et qu’il faut élever dans du coton…

Nous marchions toujours de parquets en parquets, et, toujours, le grand aviculteur parlait, parlait, expliquait, commentait :

— L’hôpital ! me dit-il, tout à coup.

Il s’arrêta, me montra un grand espace, divisé en cinq ou six compartiments, enclos de grillages, où s’élevaient, bien exposées au soleil, de vraies maisonnettes. Une forte odeur d’acide phénique montait du sol soigneusement ratissé… Quelques poules se promenaient, l’aile basse, de l’allure triste, lente et cassée qu’ont les vieilles bonnes femmes, dans la campagne. J’en vis qui boitillaient, qui sautillaient sur leurs pattes, entourées de linges de pansement. D’autres, hottues, les plumes ternes et bouffantes, la crête décolorée, restaient immobiles, sans rien voir de ce qui se passait autour d’elles. D’autres encore, accroupies en rang, sur l’herbe sulfatée, dodelinaient de la tête et se racontaient de petites histoires, parlaient, sans doute, de leurs maladies, comme font les convalescents, assis, dans le jardin de l’hospice, sur des bancs, un jour de soleil.