Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bresse, elle a des pattes bleues, ce qui est un signe de bonne naissance. Le sang bleu, toujours.

— Une pondeuse admirable, s’extasiait notre hobereau… la meilleure, la plus régulière de toutes les pondeuses… avec ses petites mines évaporées…

Et, tout en me promenant à travers ses parquets, propres, luisants, luxueux, pareils aux villas de Saint-Germain et de l’Isle-Adam, il me confiait, en termes prolixes, ses idées sur l’élevage…

Comme j’admirais la vitalité, la robustesse, la belle humeur de ses bêtes :

— Ah ! voilà !… professait-il. Il faut être impitoyable et scientifique… Je suis impitoyable et scientifique… J’élimine les coqs qui ne chantent pas bien… dont la voix n’est pas assez sonore et retentissante… Tout est là, mon cher monsieur… J’ai observé que, plus un coq chante fort, plus il est ardent et, par conséquent, apte à la reproduction. Une belle voix, chez les coqs, de même que chez les hommes, annonce toujours… enfin, vous savez ce que je veux dire…

— Alors, les ténors ?… ne pus-je m’empêcher de remarquer… Dites donc, voilà un point de vue nouveau.

— Non, pas les ténors, naturellement. Les ténors sont des lavettes… Ah ! ah ! ah !… Les ténors, à la broche !… Dans la marmite, les ténors !… Bien entendu, je ne conserve que les barytons… les barytons sérieux, bien gorgés… Allez ! les poules ne s’y trompent pas… Elles savent parfaitement que plus un coq barytonne, mieux elles seront servies, plus leurs œufs seront gros, abondants… et plus vigoureux leurs petits… car tout s’enchaîne, dans la nature… Tenez, j’ai fondé à Bruxelles un Club, chargé de propager, à travers le monde, ces vérités biologiques… Un succès fou, mon cher monsieur… Nous avons maintenant des journaux, des