Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/117

Cette page n’a pas encore été corrigée

une rivière, une rivière que, par esprit d’imitation et pour justifier leur parisianisme, ils avaient appelée, en en réformant l’orthographe : la Senne. Mais, depuis longtemps, ils l’ont enfouie sous terre et recouverte d’une voûte… Peut-être aussi, est-ce pour ne pas faire concurrence au Manneken-Piss, dont le pipi puéril leur suffit, suffit à leur amour de l’eau, à leur amour des reflets dans l’eau…



Un industriel.


J’ai vu un grand industriel. Il était d’ailleurs tout petit, ainsi qu’il arrive souvent des grands écrivains, des grands artistes, des grands avocats, des grands médecins… Il était tout petit, très rouge de visage, très blond de barbe et de cheveux, et bedonnant, avec une très grosse chaîne, ou plutôt un très gros câble d’or, en guirlande sur son ventre.

— Ça va très mal… ça va très mal… gémit-il… On ne peut plus travailler tranquillement… Toujours des grèves !… Quand l’une cesse, l’autre commence… Pourquoi, mon Dieu, pourquoi ?… Ah ! je ne sais pas ce que va devenir notre industrie, notre pauvre industrie… Elle est bien malade…

Et, brusquement :

— C’est de votre faute !… crie-t-il.

— De ma faute ?… À moi ?

— Oui, oui… Enfin, de la faute des socialistes… des anarchistes français… Mais oui… Vous ne connaissez pas nos ouvriers, à nous… De braves gens… de très braves gens… Au fond, ils ne veulent rien… ne demandent rien… sont très contents de ce qu’ils gagnent. Ils