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pas étranger à sa mort, qui arriva peu après. Et le monument d’Émile Zola, en dépit des oppositions de la famille de Constantin Meunier, revint à M. Alexandre Charpentier, qui y travaille, seul, désormais. Où en est-il ? Comment est-il ? Je n’en sais rien, n’étant pas dans le secret des dieux.

Cette histoire est triste, et, comme toutes les histoires tristes, elle a sa part de comique, un comique amer et grinçant, qui est bien ce qu’il y a de plus tragique dans le monde. Mais, quand on y regarde de près, elle est très caractéristique, et aussi, très harmonieuse avec la vie.

Avant de se pacifier dans l’immortalité, la destinée d’Émile Zola aura été étrangement tourmentée. Comme tous les hommes de génie, – surtout les hommes d’un génie rude, tenace et humain, – Zola a créé, toujours, autour de lui, de la tempête. Il n’est pas étonnant que la bourrasque souffle encore.

Son œuvre fut décriée, injuriée, maudite, parce qu’elle était belle et nue, parce qu’au mensonge poétique et religieux elle opposait l’éclatante, saine, forte vérité de la vie, et les réalités fécondes, constructrices, de la science et de la raison.

On le traqua, comme une bête fauve, jusque dans les temples de justice. On le hua, on le frappa dans la rue, on l’exila : tout cela parce qu’au crime social triomphant, à la férocité catholique, à la barbarie nationaliste, il avait voulu, un jour de grand devoir, substituer la justice et l’amour.

Sa mort fut un drame épouvantable et stupide. Lui qui, devant les rugissements des hommes, devant leurs foules ivres de meurtre, avait montré un cœur si intrépide, un si magnifique et tranquille courage, il n’a rien pu