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la grande mémoire d’Émile Zola, un monument. Cette commission choisit, pour l’exécuter, Constantin Meunier. Mais celui-ci hésita longtemps, émit des scrupules. Il était souffrant, se trouvait bien vieux, avait encore une œuvre importante à terminer, cette œuvre dont nous avons admiré, à nos expositions, de nombreux fragments, et qu’il eût bien voulu voir se dresser sur une des places publiques de Bruxelles, avant de mourir. Sur des instances réitérées, flatteuses pour lui, à coup sûr, mais maladroites, car lui seul était en mesure de savoir ce qu’il pouvait ou ne pouvait pas entreprendre, – il finit par accepter cette lourde mission, mollement, à la condition qu’on lui adjoignît un collaborateur français, qui fut aussitôt désigné, ou plutôt qui se désigna lui-même : M. Alexandre Charpentier.

Au bout d’une très longue année, Constantin Meunier et M. Alexandre Charpentier présentèrent à la commission une maquette, pas très heureuse, dit-on. Elle fut jugée insuffisante. Les deux artistes avouaient d’ailleurs qu’ils n’en étaient pas contents. Ils comprirent qu’ils devaient chercher et trouver autre chose…

Le monument était tel. Un Émile Zola, debout, oratoire, dramatique, étriqué, en veston d’ouvrier, en pantalon tirebouchonné, un Zola sans noblesse et sans vie propre, où rien ne s’évoquait de cette physionomie mobile, ardente, volontaire, timide, si conquérante et si fine, rusée et tendre, joviale et triste, enthousiaste et déçue, et qui semblait respirer la vie, toute la vie, avec une si forte passion. Derrière ce Zola, banal et pauvre, une Vérité nue étendait les mains. À droite, un mineur ; à gauche, une glèbe. L’invention était quelconque. On voit qu’elle ne dépassait pas la mentalité des artistes officiels. Et tout cela se groupait assez mal.

— Sapristi ! dit M. Alexandre Charpentier, devant cette