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elle a perdu successivement son clocher, son chœur, une partie de sa nef, toutes les sculptures de son portail, toutes les chimères de ses gargouilles… Ce n’est plus qu’un hangar qui, chaque jour, s’effrite davantage et croule de partout. Pourtant, deux figuiers presque aussi vieux qu’elle, presque aussi délabrés, montent toujours la garde sur l’emplacement où, jadis, fut son portique. Une mare, alimentée par l’égout de ce qui reste des toits et par les eaux usées du boucher, baigne le côté de la partie nord, presque sur toute sa longueur. Les soirs d’été, il s’en exhale une odeur fétide.

— Ah ! mon cher monsieur, m’avait dit le curé, le jour qu’il vint me faire sa visite de bienvenue… Si vous voyiez l’intérieur de mon église ? Elle n’a même plus de toiture… aujourd’hui… Croiriez-vous que les pigeons fientent sur le tabernacle !… Ah ! ah ! ah ! Une église qui a une si belle histoire !…

Et il suffoquait d’indignation.

— Hélas !… déclamai-je, sur un rythme mélancolique, hélas, monsieur le curé, il fiente sur le tabernacle comme il pleut sur la ville…

Je vois encore ce brave et naïf bonhomme lever vers le plafond, ses petits bras grêles et crier, en dodelinant de la tête…

— C’est ça !… c’est ça… Ah ! c’est bien ça !…